L'hypnose médicale dans le milieu hospitalier
Loin de la mise en scène grandiose de certains shows visant à mettre en état de léthargie des salles entières, l’hypnose médicale est aujourd’hui bien implantée dans le milieu hospitalier.
Sans nécessairement y avoir recours, nous avons déjà entendu parler des séances d’hypnose pour arrêter de fumer, pour mieux gérer notre stress ou encore canaliser ces phobies qui nous empoisonnent la vie.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les recherches effectuées sur les Pages Jaunes® en ligne relatives à l’hypnose ont augmenté de plus de 530% en trois ans, passant de 81 783 en 2013 à 514 795 en 2016 (baromètre des Pages Jaunes 2017).
Les origines de l’hypnose ne datent pas d’hier ; des scènes de chamanisme apparentées à de l’hypnose apparaissent sur des peintures rupestres. Les Sumériens décrivent des méthodes hypnotiques sur leurs tablettes. D’autres exemples sont identifiés à travers les âges…
… jusqu’au 18ème siècle.
En 1773, Franz Anton Mesmer, Médecin allemand, installé à Vienne puis à Paris, évoque le terme de « magnétisme animal »[1]. Ses séances de magnétisme (ou transes) étaient tellement à la mode à la cour du Roi Louis XVI, que ce dernier fit nommer une Commission afin de se prononcer sur cette pratique. Le rapport rendu en 1784 par la Commission royale est sans appel. « Sans aucune évidence scientifique » la pratique de l’hypnose est purement interdite.
C’est en 1829, alors que les anesthésiants utilisés en chirurgie – sucs de pavot, chanvre, mandragore… - étaient plus ou moins efficaces qu’une première intervention chirurgicale est réalisée sous hypnose. Le Docteur Jules Cloquet, Chirurgien, réalisa une mastectomie sous « sommeil magnétique ». Intervention suivie par d’autres jusqu’à l’utilisation en chirurgie des pouvoirs narcotiques de l’éther et du chloroforme en 1846 ; utilisation qui mettra fin à l’hypnose.
Etude de l'hypnose au XIXème siècle
En 1878, le Docteur Jean-Martin Charcot commence à étudier l’hypnose et à la réhabiliter. Il propose même à l’Académie des sciences d’en légaliser l’usage.
De nos jours, des Centres Hospitaliers, de plus en plus nombreux, font appel à cette technique, pour soulager la douleur ou pratiquer des actes de chirurgie.
Sous hypnose, le patient est dans un état de conscience modifié, c’est-à-dire que son esprit est décorrélé de sa douleur.
Les services dans lesquels l’hypnose est entrée sont convaincus de ses bénéfices, incitant les médecins, les infirmières et les aides-soignantes à se former à cette pratique. Un diplôme universitaire a même été mis en place en 2001 à la Faculté de Médecine de Paris VI. Ce sont désormais une dizaine d’universités qui proposent cette formation à leurs étudiants en médecine.
En pédiatrie par exemple, un environnement amusant et sympathique rassure déjà le jeune patient dès son arrivée à l’hôpital. Pour les enfants, le choix des mots est primordial. Plutôt que d’évoquer la peur en employant des termes tels que « n’aie pas peur », une consultation basée sur un « voyage » dans un contexte imaginaire rassurant atténue considérablement la douleur de l’acte médical. Force est de constater que les enfants sont extrêmement sensibles à cette hypnose conversationnelle.
En gériatrie, l’utilisation de tout un vocabulaire positif améliore là aussi la prise en charge des patients. Entre hypnose formelle et transe conversationnelle, la finalité réside dans la diminution de la douleur même lors des soins les plus simples. Une amélioration de la relation patient / personnel soignant découle de cette approche remettant l’humain au cœur du soin.
En 1991 en Belgique, l’hypnose chirurgicale refait surface lors de certaines interventions. Ceci permet de réduire le temps d’intervention sans s’inquiéter des effets secondaires liés aux anesthésiants.
Bien évidemment, le patient a toujours le choix entre une anesthésie classique et une hypnosédation (ou contrôle de la douleur par hypnose). D’autant que l’hypnose peut se heurter à la résistance du patient plus ou moins réceptif.
Malgré des réticences encore persistantes, liées notamment à une méconnaissance de cette pratique, mais également à l’absence de données scientifiques sur ses effets réels, l’hypnose médicale est très largement utilisée dans le milieu hospitalier.
Le champ de l’hypnose est vaste : lutte contre des douleurs ponctuelles ou chroniques, diminution du stress lié à un geste médical, amélioration de la tolérance à un traitement…
Dans les hôpitaux, l’hypnose a également changé l’ambiance des services ayant recours à cette pratique. Le personnel soignant est plus calme dans sa façon de parler aux patients, plus détendu, moins stressé.
Autre approche, plus récente, en parallèle des traitements et protocoles « classiques » : la réalité virtuelle.
Technologie douce et révolutionnaire, la réalité virtuelle fait partie désormais de la formation des médecins. On la retrouve pour simuler une intervention chirurgicale mais aussi pour étudier la cardiologie, la neurologie et l’anatomie.
D’une manière plus globale, la réalité virtuelle permet de confronter les soignants à des situations auxquelles ils n’ont pas été exposés lors de leur formation ; situations que l’on peut retrouver sur des zones de guerre ou d’attentats.
Sur le terrain, les chirurgiens peuvent répéter des opérations extrêmement pointues d’un point de vue technique avant de les réaliser sur le patient.
Sans effets secondaires, la réalité virtuelle permet de lutter contre la douleur, qu’elle soit chronique ou post-opératoire. Elle intervient dans la lutte contre le stress lié à une hospitalisation, un traitement ou une intervention. En améliorant le moral des patients hospitalisés, elle permet une meilleure efficacité dans le processus de guérison ou de cicatrisation. Elle permet aussi de diminuer la posologie des médicaments administrés.
La réalité virtuelle est destinée à tous les patients, des plus jeunes aux plus âgés en passant par les femmes souhaitant accoucher par voie naturelle sans péridurale (et sans douleur !).
Aux Etats-Unis, un programme permet aux enfants autistes d’être équipés d’un casque de réalité virtuelle pour se retrouver immergés dans une salle de classe composée de camarades « avatars ». Confrontés à ces situations socialement difficiles à appréhender dans la vie quotidienne, ce procédé a pour but d’améliorer leurs capacités relationnelles.
Dans la maladie d’Alzheimer, la réalité virtuelle est destinée à l’entourage des malades et par ce biais à en faire comprendre les mécanismes et le fardeau au quotidien. Au-delà de cette utilisation, le Centre des maladies neurodégénératives de Bonn en Allemagne a mis au point une application permettant de déterminer de façon précoce si un patient présente des signes annonciateurs de la maladie. Et de commencer éventuellement un traitement visant à en retarder l’évolution très en amont de celle-ci.
Couplée à la robotique (exosquelette), la réalité virtuelle est capable d’aider des personnes atteintes de paraplégie à retrouver l’usage partiel de leurs jambes. Cette technologie consiste à porter un casque de réalité virtuelle permettant de recréer dans le cerveau du malade les connexions nerveuses similaires à celles qui se produisent lorsque nous marchons.
Bien qu’apparues à des époques différentes l’hypnose et la réalité virtuelle ont toutefois un objectif commun : le mieux-être des patients et la prise en compte de leur douleur et de leur ressenti.
Emmanuelle Cocault
[1] Le magnétisme animal, aussi appelé mesmérisme, est un ensemble d'anciennes théories et pratiques thérapeutiques qui se développèrent de la fin du xviiie siècle à la fin du xixe siècle en Occident et qui eurent un impact important sur le développement de la médecine, de la psychologie et de la parapsychologie