Quelques chiffres :
Plus juteux que le trafic de stupéfiants, plus rentable aussi, le trafic de médicaments et de produits pharmaceutiques contrefaits.
La fabrication d’un médicament contrefait affiche un taux de rentabilité 10 à 25 fois supérieur à celui du trafic de drogues. Et quand on évoque le chiffre d’affaires de ce trafic, cela devient tout simplement hallucinant !
Représentant environ 20% du marché pharmaceutique mondial, le chiffre d’affaires des faux médicaments est estimé à 200 milliards de dollars (il s’élevait à 75 milliards de dollars en 2006).
Cette croissance exponentielle du trafic de faux médicaments s’explique notamment par la facilité de plus en plus importante de les acheter sur internet.
Alors qu’on ne les retrouvait que dans les marchés de rue illégaux, ils sont désormais accessibles à tous et partout via internet.
L’OMS estime que plus de la moitié des médicaments vendus illégalement sur internet seraient des contrefaçons. Et chaque jour sur internet, s’ouvrent une vingtaine d’officines en ligne dont 90% sont illicites.
Les médicaments concernés
Cette falsification touche toutes les catégories de médicaments : produits utilisés dans le traitement du cancer, antibiotiques, analgésiques, antiparasitaires, contraceptifs…
En France, les médicaments les plus contrefaits sont ceux utilisés dans les troubles de l’érection, mais aussi des compléments alimentaires aux soi-disant vertus amincissantes, des produits dopants et des produits permettant le blanchiment de la peau.
Amidon de maïs, fécule de pomme de terre, craie et même antigel[1]…, voici quelques substances que l’on peut retrouver dans ces faux médicaments.
Ils peuvent aussi ne pas contenir le principe actif prévu ou être insuffisamment dosés.
Les patients prennent ainsi, sans le savoir, des médicaments potentiellement dangereux ou sans aucune action thérapeutique sur les symptômes ou la pathologie.
Pays concernés
Le trafic de faux médicaments revêt des visages différents selon les zones géographiques dans lesquelles il se déroule.
Les pays émergents, en raison d’un système de santé et d’un cadre juridique défaillants, en raison également d’une pénurie criante de médicaments et d’une information quasiment inexistante des patients, sont les plus exposés aux risques sanitaires engendrés par ce trafic.
En effet, les médicaments « vitaux » destinés à soigner des affectations gravissimes – paludisme, sida, tuberculose… - sont largement contrefaits et distribués sur ces territoires. Avec pour conséquences bien évidemment un risque réel d’échec thérapeutique et d’effets secondaires graves.
Les pays développés sont désormais aussi victimes d’une progression alarmante de ce trafic.
Les Etats-Unis sont très touchés par ce fléau. Une couverture sociale limitée notamment en termes de remboursement des soins poussent les américains des classes les moins aisées à prendre le risque d’acheter des médicaments en ligne, certains étant conscients des risques encourus.
Une étude réalisée il y a quelques années par un organisme de sondages aux Etats-Unis révélait que 66% des internautes américains effectuaient ce genre d’achat en toute connaissance de cause.
L’argument mis en avant : le prix des médicaments en vente sur le net.
L’Europe est également concernée. Un quart des colis postaux saisis par les douaniers européens contiendrait des faux médicaments. En mai dernier, à Calais, une saisie de 415 695 comprimés de tranquillisant a été effectuée par les douanes pour un montant estimé de 470 000 €.
Conséquence financière directe de ce trafic, l’industrie européenne du médicament souffrirait d’un manque à gagner de près de 60 milliards d’euros. En France, près de 40 000 emplois seraient directement menacés.
Comment lutter ?
Qui dit trafic d’envergure mondiale, dit gros moyens de répression.
Au même titre que toute autre forme de criminalité, Interpol intervient en collaboration avec d’autres partenaires lors d’opérations d’ampleur dans la saisie de médicaments, le démantèlement de réseaux et l’arrestation d’acteurs impliqués dans ce trafic.
Face à ces enjeux : vies humaines en danger (700 000 morts par an dus à la consommation de médicaments contrefaits), détérioration de leur image, propriété industrielle, impact économique, les laboratoires et les Etats réagissent.
Depuis février dernier et afin d’en renforcer sa traçabilité, chaque boîte de médicaments doit être identifiable grâce à un code-barres à deux dimensions contenant outre les informations habituelles liées au numéro de lot, à la date de péremption… un numéro de série spécifique à chacune d’elle.
Les laboratoires ont pour obligation d’établir un fichier informatique pour chaque boîte de médicaments et de déposer le numéro de série de chaque médicament dans une base de données européenne. Les éléments de cette base de données sécurisée sont ensuite transmis à chaque pays par le biais d’un répertoire national. En cas d’anomalie, ce système permettra d’alerter les pharmaciens au moment de la délivrance de chaque médicament.
La contrefaçon, on le sait, touche tous les secteurs de nos économies.
Elle se révèle sous son pire aspect lorsqu’elle tue, en s’insinuant dans un domaine dont la finalité est de soigner et de sauver des vies.
Emmanuelle Cocault
[1] Nigeria, 2009, 84 enfants sont morts après avoir ingéré un sirop contre la toux.