« Et sinon, vous comptez vous marier et avoir des enfants dans les prochaines années ? ».
Je me souviens très bien de cette question, posée au cours de l’un de mes tous premiers entretiens d’embauche passé il y a maintenant pas mal d’années ! Sans pour autant être une ultra féministe, cette question que j’avais jugé déplacée à l’époque (et posée dans un contexte où la notion de discrimination n’avait pas encore cours), m’avait tout simplement incitée à mettre un terme à cet entretien - pourtant mené par une femme… - en évoquant bien avant l’heure la sphère privée à laquelle s’intéressait cette recruteuse !
Et si tout le problème des inégalités hommes / femmes au travail commençait en début de carrière lorsque les jeunes diplômées cherchent leur premier emploi et risquent de se trouver confronter à ce genre de questionnement ?
Un récent sondage publié par l’Apec (mars 2019) fait ressortir que les jeunes femmes ont davantage de postes en CDD que leurs homologues masculins deux ans après l’obtention de leur diplôme et leur entrée sur le marché de l’emploi (25% contre 14% des hommes), tout en étant moins fréquemment embauchées au statut cadre (60% contre 81%) et percevant une rémunération moins élevée.
Difficile cependant d’établir un lien entre la crainte du congé maternité et ces faits réellement discriminants.
Passé ce stade du premier emploi, force est de constater que la progression vers des fonctions de Direction semble plus aisée pour les hommes que pour les femmes. Dans le secteur des Ressources Humaines, secteur pourtant très féminisé en raison de parcours d’études liés au droit et à la psychologie… les postes de managers et de cadres dirigeants sont majoritairement « trustés » par des hommes.
Et les rangs s’éclaircissent encore lorsqu’on atteint les instances de Direction – Comité exécutif et Comité de direction. Ainsi le taux de féminisation sur ces fonctions au sein des entreprises du CAC 40 s’établissait à 17% en 2018. Sur des organisations similaires à celles du CAC 40, l’Allemagne affichait un taux de féminisation de 9,5% tandis que les Etats Unis avaient un taux de féminisation de 21,9%.
En France, il a quand même fallu légiférer pour imposer aux grands groupes et aux ETI, une proportion plus importante de femmes dans les équipes dirigeantes (cf la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011), proportion visant à imposer 40% de femmes au 1er janvier 2017 dans les conseils d’administration. Et la menace de sanctions lourdes a fait son œuvre puisqu’au 1er mars 2019, la féminisation des conseils d’administration atteignait 43,7%.
Les disparités existent aussi en dehors des instances de Direction.
En effet, en France, on constate toujours un écart moyen de rémunération de l’ordre de 25% entre les femmes et les hommes tous postes confondus. Il est à noter cependant que cet écart tombe à 9% à poste et âge égaux.
Autres points de discrimination, le travail à temps partiel et le congé parental, qui, choisis ou non, concernent majoritairement les femmes. Et même si le congé parental a été réformé pour favoriser le partage des responsabilités parentales et donc la possibilité pour les femmes de conserver leur niveau d’emploi après leur maternité, les mentalités peinent tout de même à évoluer. Les Français ont encore du mal hélas avec la notion de « père au foyer » et d’après le magazine Parents, les hommes ne représenteraient chaque année qu’1,2% de congés parentaux…
Ces éléments contribuent de fait à une précarisation de la gent féminine tout au long de sa vie professionnelle, mais également après, au moment de la retraite.
En complément de la loi Copé-Zimmermann, est paru le décret relatif aux modalités d’application et de calcul de l’index de l’égalité hommes/femmes (JO du 9 janvier 2019). Cet index concernant d’ores et déjà les entreprises de plus de 1000 salariés (1er mars 2019) va petit à petit être généralisé à toutes les structures d’au moins 50 salariés (1er mars 2020).
Il s’établit sur 100 points et se calcule à partir de 4 à 5 indicateurs :
- l’écart de rémunération femmes-hommes au même poste et au même âge,
- l’écart de répartition des augmentations individuelles,
- l’écart de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés),
- le rattrapage salarial pour les femmes à leur retour de congé de maternité,
- et enfin, le nombre de personnes du sexe sous-représenté parmi les 10 plus hautes rémunérations.
Puisque nous en sommes aux indicateurs et même si les hommes voient leur espérance de vie plus réduite par rapport à celle des femmes (78 ans / 85 ans quand même !) la plupart des chiffres comparant les uns aux autres ne font que mettre en lumière les déséquilibres entre hommes et femmes : les hommes sont en tête dans les études supérieures (prépas, écoles d’ingénieurs), ils sont plus souvent cadres et dirigeants d’entreprises de plus de 50 salariés. Ils sont également plus présents dans les instances politiques.
Alors que le 8 mars de chaque année, Journée Internationale des Droits des Femmes, suscite encore souvent dans notre pays un certain nombre de blagues potaches, beaucoup de choses peuvent évoluer dans le domaine de la parité hommes / femmes au travail.
Au travail !
Emmanuelle Cocault